Dollard Terminal!

Fallot Cocoa BeachDollard Falot n’avait pas dormi de la nuit.

En fait, il était debout depuis 36 heures et les vols successifs Paris/New York/Orlando l’avaient épuisé tellement qu’il était maintenant incapable de se mettre au lit. Toute cette végétation. La route pour venir de l’aéroport au volant d’une grosse Jeep à transmission automatique. Le lever de soleil sur l’Atlantique, là, juste au bout de la jetée.

Le gars, tout habillé, debout sur la rambarde, qui regardait la mer en se demandant s’il devait se jeter dans le creux d’une vague ou sur sa crête…
Falot s’avança en se trainant les pieds pour éviter que le pauvre type ne soit surpris et tombe par accident. Quitte à sauter, aussi bien le faire de sa propre volonté.
— C’est trente pieds jusqu’en bas et les vagues n’ont que quatre pieds et le fond fait douze pieds… si vous attendiez jusqu’à jeudi… Nostravagus, le site de prévision surf, annonce neuf pieds pour jeudi… parce qu’avec quatre pieds, ça risque de faire mal !
L’homme se retourna lentement.
— Quatre pieds, six pieds, neuf pieds, douze pieds… je veux en finir ! La vie est un enfer : je suis ruiné et je couche dans ma voiture. Et devinez quoi ? J’ai même pas terminé de la payer, cette automobile ! Elle va être saisie et je vais me retrouver sur le trottoir. Vous avez vu l’état des trottoirs dans cette ville ? Non, bien entendu : vous êtes un touriste ! Et pourquoi vous n’êtes pas arrivé plus tôt pour me louer une chaise et un parasol ? Plus personne ne loue de chaise longue : ils se couchent sur des serviettes de plage…
— Allons, allons ! Tout n’est pas perdu : il y a toujours une solution quand on y réfléchit un peu. Vous avez un commerce de location de chaises de plage ? Le Spring Break commence demain ! Il va y avoir des milliers de vacanciers qui vont arriver : j’ai eu de la difficulté à me trouver un meublé pour un mois, c’est vous dire combien il va y avoir de gens sur la plage.
— Mais ils ne veulent plus de chaises ! Plus de parasols ! Vous savez, avec la récession… et je dois encore $3000 à la banque : j’ai acheté ces chaises à crédit. Il ne me reste qu’à me jeter à l’eau.
— Vous avez pensé aux dauphins ? Si vous tombez sur un dauphin, vous serez poursuivi pour avoir blessé un animal d’une espèce protégée. Et vous savez comme moi que les dauphins sont nombreux autour de la jetée. Et les pélicans ? Vous frappez un pélican lors de la descente, une espèce migratoire citée sur la liste des palmipèdes en voie d’extinction, et c’est la prison à vie !
— Je n’y avais pas pensé ! Je me jetterais bien sous un train mais il n’y a pas de train dans la région.
— Allez ! Descendez de là… je crois avoir une solution… je suis ici pour un mois et je craignais de m’ennuyer… alors je vais vous donner les $3000 dont vous avez besoin. En fait, je vous achète votre fonds de commerce. Vous pourrez repartir à neuf et moi j’aurai de quoi m’occuper. Tout le monde sera gagnant dans cette affaire. Le restaurant de la jetée va ouvrir dans dix minutes : on va rédiger un contrat maison en prenant un café. Ca vous réchauffera…
L’apprenti suicidé descendit de son perchoir en s’appuyant sur Falot puis tous deux se dirigèrent vers le Tiki Bar.
Une dizaine de pélicans noirs volant en formation serrée survolèrent la jetée, glissèrent sur l’aile et quelques-uns lâchèrent leurs fientes qui frappèrent de plein fouet le rescapé.
Falot regarda le pauvre homme couvert d’un enduit nauséabond en se disant que certaines personnes étaient les souffre-douleurs du destin. En cas de tentative de suicide, le gars serait sans doute tombé sur un dauphin…
Sous la jetée, deux surfeurs se mettaient à l’eau : une autre journée débutait à Cocoa Beach !

Vingt-quatre heures de sommeil plus tard, Dollard Falot était à déguster un bol tropical, assis dans un petit restaurant du centre-ville. Le centre-ville… en fait Falot s’était aperçu que Cocoa Beach était une petite ville souffrant de schizophrénie ! Il y avait le centre-ville des touristes, celui qui était dominé par les hôtels et les magasins de surferies comme Ron Jon. Et il y avait le centre-ville des gens ordinaires composé de maisons unifamiliales, de bars et d’ateliers de shape. En fait, des bars, il y en avait deux par coin de rues et presque autant d’églises… pour tout dire, les Américains, soit ils priaient soit ils buvaient : on trouve son réconfort là où on peut !
Surfinista, le restaurant du bol tropical… doublé d’une galerie d’art et d’une salle de montre de planches faites main. Falot sentait que le lieu allait devenir son quartier général. Il ne lui restait plus qu’à trouver un endroit qui vendait du Jurançon doux… tout plutôt que de la piquette provenant de l’Orégon !
Première journée de plage… louer des chaises longues et des parasols, quelle merveilleuse activité pour rencontrer du monde !
En fait, son nouveau commerce n’était pas situé près de la jetée, un des pôles d’attraction du centre-ville touristique. Non, les chaises étaient entassées à l’entrée de la plage de la Première Rue, au beau milieu du quartier populaire, entre deux bars, trois restaurants et un local appartenant aux Slaters.
Falot vit tout de suite le problème !

Outre le fait que les clients devaient se faufiler entre une douzaine de piliers de bar en pleine compétition pour savoir qui avait le foie le plus résistant et un chat sauvage nommé Sandy qui attaquait tous les passants dans un rayon de trois mètres, il était facile de constater un manque évident de marketing dans toute l’affaire. Les chaises et les parasols étaient empilés pêle-mêle derrière un écriteau annonçant un prix de location ridiculement bas !
Dollard Falot retourna chez Surfinista pour emprunter à l’artiste propriétaire du restaurant une toile vierge et des crayons marqueurs de toutes les couleurs. Quelques minutes plus tard, une nouvelle affiche apparaissait en bord de plage.
Transats autographiés
Location réservée aux passagers des autocars de luxe
Paiement par carte de crédit seulement

A peine la nouvelle affiche installée que déjà les gens faisaient la queue pour louer à un prix ridiculement élevé de vieilles chaises de plage sur lesquelles on voyait un gribouillage illisible commençant par la lettre « S ».
Falot, utilisant du thon en boite, avait réussi à dompter Sandy, le chat de plage, qui surveillait désormais jalousement l’intégrité de l’inventaire de parasols et montrait ses griffes à qui s’en approchait de trop près.
Un homme replet arriva sur la plage suivi de sa famille, toute aussi rebondie.
— Des chaises signées par le meilleur surfeur de tous les temps ! Vous faites des prix familiaux ?
— Vous êtes passagers d’un autocar de luxe ?
— Non… mais comme c’est de l’exclusivité et qu’on est en vacances… ça n’arrive qu’une fois… ça ne vous dérangerait pas de nous en louer cinq ? On vous fera de la publicité au Hilton…
— Allez, je suis bon prince… $150 pour la journée et je vous laisse un parasol ! Tiens, prenez ce transat jaune… il était dans sa maison, sur la terrasse…
— Vous êtes génial ! Je ne sais comment vous remercier. Voici ma carte  ! Je possède trois stations de radio dans le sud de la Floride, Croco Radio le nom de la chaine : si vous avez besoin de quelque chose, téléphonez-moi !
— Je n’y manquerai pas… bon séjour à Cocoa Beach !

Falot pris une pause vers midi en se disant qu’il devait rapidement téléphoner à son neveu, Isidore Squamule, pour lui annoncer que sa griffe faisait vendre des chaises en Floride. Pour le moment, il était plus que temps de s’ouvrir un compte en banque…
L’après-midi vit apparaître, à l’entrée de la plage, une grosse affiche annonçant fièrement :

DOLLARD TERMINAL!

La douzaine de piliers de bar s’évertuait à l’ancrer solidement au sol en récompense de quoi trois douzaines de bouteilles de liqueur de malt, un tord-boyaux qui ne méritait pas le nom de bière, les attendaient sous le regard meurtrier du chat de plage.
Vers quatorze heures, à mi marée montante, une famille se présenta devant Falot. Juste aux cris des deux filles, Falot avait compris qu’il s’agissait de touristes venus de France pour surfer.
— Des compatriotes ? Vous venez pour surfer ? Je peux vous louer une chaise ou un parasol ?
— Non merci, dit l’homme, nous comptons nous mettre à l’eau tout de suite pour profiter de la marée. Des petites vagues de quatre pieds et ma plus vieille, Leeloo, veut faire du stand-up. Ma plus jeune, Nevena, va faire du bodyboard avec ma compagne.
— Leeloo, quel joli nom ! Un nom qui frise la perfection. Et du stand-up… j’ai assisté récemment à une démonstration de stand-up en France… c’était craquant ! Kraken… bref, un jeu de mots ! Et toi, Nevena, ta planche semble drôlement solide pour un bodyboard ?
— C’est un bellyboard en pin des Landes shapé par mon papa… c’est à vous le chat ?
— Non ! le chat, il se nomme Sandy et il est sauvage… vaut mieux rester loin ou bien avoir en main une boite de thon.
Un groupe de touristes du Michigan se poussaient pour louer des chaises…
— Je dois vous laisser, dit Falot, si vous avez besoin de quoi que ce soit, entre compatriotes, n’hésitez pas !

Petites vagues de trois pieds, grand soleil… face à la mer, Falot relaxait en regardant les surfeurs glisser sur des vagues parfaites. Des gouttelettes s’élevaient dans l’air, projetées vers l’arrière et tamisant la lumière, à chaque fois qu’un rouleau allait se briser sur le sable. Trois pieds plus haut, les vagues, et on aurait juré les Landes en plus propre.
Le père de Leeloo et Nevena s’en donnait à cœur joie, surfant le plus souvent sur le dessous de sa planche, l’aileron vers le rivage. Sans doute pour épargner sa Sex Wax. Étrange pratique…

Falot s’ouvrit un transat autographié et s’y laissa tomber avec un soupir de satisfaction : la belle vie ! Relaxer face à la mer après ces mois de stress à développer son magasin de St Michel Chef Chef. Quelle village étrange… sans doute la capitale de la réalité alternative, un village situé hors de l’espace-temps !
Il entendait encore la corne de brume du paquebot ‘’Amiral Goguenot’’ annonçant la collision prochaine avec le rivage… mais que faisait l’Amiral Goguenot à Cocoa Beach ? ?
Falot ouvrit les yeux alors que le son de la corne de brume se transformait en un hurlement strident qui semblait venir du ciel. Levant la tête, il aperçut un point noir qui grossissait à chaque seconde, un objet céleste qui allait percuter la plage.
Pas le temps de crier ! Pas le temps d’évacuer !
Un gros cylindre d’une quinzaine de mètres de long s’abima dans la mer à une centaine de pas du rivage, soulevant une vague qui renversa le surfeur à la planche inversée. Des cris s’élevèrent de partout… le chat de plage disparut dans un trou… un des piliers de bar en train de vider une bière s’exclama :
— Encore une ! C’est la troisième depuis le début de l’année !
Le cylindre flottait au gré des vagues, arborant le sigle de l’entreprise spatiale Cosmo-Z…
Falot se précipita vers le rivage, craignant d’y trouver des morts ou des blessés. Déjà on entendait au loin le son des véhicules d’urgence qui ne tarderaient pas à arriver. Mais il n’y avait aucun blessé sur le sable, aucun macchabé dans l’océan; il n’y avait que Leeloo et sa sœur qui transportaient un petit garçon sur leur bellyboard.
— Blessé ?
— Non, on joue à l’infirmière et là, on va faire de la réadaptation !
— Ne vous approchez pas de la fusée… enfin, du morceau de fusée…
Un homme sortit de l’océan en boitant, couvert d’algues et pas content du tout.
— Ils l’ont encore fait… une autre erreur de balistique… trois fois… trois fois… que leur engin du diable frappe ma plage… et cette fois-ci pendant que je suis en train de me baigner ! Je vais leur en faire une, moi, une course commerciale vers l’espace ! Et regardez-moi cette épave ! ! Les médias vont arriver et ce sera la fin de la saison touristique parce que les touristes, sur les plages, ils n’aiment pas recevoir des missiles sur la tête. C’est l’économie locale qui vient d’être abattue en plein vol !
— Vous avez raison mais il y a sans doute une façon de présenter l’affaire de manière positive…
— Vous croyez, vous, monsieur… d’ailleurs je suis le maire et je ne vous ai jamais vu ici, à Cocoa Beach… Josh Krokmitend, pour vous servir. Et merci pour le coup de main…
— Dollard Falot… je possède le stand de location de chaises et de parasols depuis ce matin. Pour tout dire, je suis en ville depuis hier !
— Un entrepreneur ! On a bien besoin de gens tels que vous à Cocoa. Venez avez moi : voici mes pompiers qui arrivent… après le fait, comme à leur habitude.
Le premier camion tourna le coin de rue en trombe, accéléra alors qu’il n’avait qu’une cinquantaine de mètres à parcourir, heurta les chaises et les parasols rangés sur la plage, s’engouffra entre la rangée de tikis servant de décoration hawaïenne pour finalement s’embourber jusqu’aux essieux dans le sable meuble.
Le second camion suivit la même trajectoire et, plus léger, alla percuter l’arrière du véhicule ce qui fit jaillir de la boîte une dizaine de tuyaux à incendie.
Un homme squelettique jaillit de la cabine et courut vers Krokmitend.
— Encore une entrée flamboyante, capitaine Sparkplug ! Vous n’avez pas vu les chaises, les parasols et surtout la plage ? Vous savez que la ville va devoir compenser les pertes de cet honnête commerçant qui, par votre faute, a perdu son gagne-pain ? Vous allez me dire que c’est moins pire que la fois où le camion avec la grande échelle est entré directement dans le cinéma municipal pour éteindre une machine à mais soufflé qui virait au rouge … Vous êtes impayable, Sparkplug ! En fait, je me demande pourquoi on vous paie… allez, établissez un cordon autour de la plage… les médias ne devraient plus tarder !
Deux automobiles grises lancées à toute vitesse firent irruption sur la plage et allèrent tamponner les camions du capitaine Sparkplug dont les hommes ramassaient les lances à incendie, visiblement inutiles face à l’océan. On pouvait voir, bien en évidence sur leurs capots, le sigle de Cosmo-Z.
Le visage de Josh Krokmitend vira au rouge et Falot crut qu’il allait partir en orbite.
— Vous ! Vous ! Je vous retiens, Rogaton… encore un de vos astronefs qui s’écrase sur ma plage et menace ma santé économique ! Trois fois que… vous n’êtes pas capable de le lancer correctement, votre bidule ? Vos ordinateurs ont un virus ? Donnez-moi une bonne raison pour ne pas vous jeter en prison pour terrorisme financier !
— Nous sommes à tester de nouveaux carburants biologiques pour satisfaire le lobby écologiste. Celle-là, dit-il en pointant vers l’épave, elle était propulsée par des algues produisant du méthane. La précédente, c’était de l’huile usée venant des chaines de restaurants servant des patates frites. Si vous saviez le volume d’huile disponible dans le pays ! C’est la dernière fois, je vous le promets ! Le prochain essai sera le bon… on va utiliser du méthane provenant des flatulences de porcs. Vraiment explosif…
— Bon, et pour l’épave ?
— C’est le second étage de la Cosmo-Z … aucun danger pour l’environnement… mais ça va coûter un bras pour le ramener à Cap Kennedy, c’est sûr ! Et il y a les médias…
— Je ne vous le fais pas dire, lança Krokmitend. Ils vont nous écharper… vous et moi…
— Pas nécessairement, répondit Falot ! J’ai rencontré quelqu’un qui pourrait nous aider… et il est juste là-bas… sur un de mes transats… suivez-moi !
Falot mena les deux hommes jusqu’à un homme replet qui, allongé, regardait avec un intérêt certain la scène qui se déroulait en bordure de mer.
— Monsieur Rheostat est le propriétaire de trois stations de radiodiffusion, la chaine Croco Radio. Monsieur Rheostat, je vous présente le maire de Cocoa Beach, le célèbre Josh Krockmitend. Et le responsable de Cosmo-Z, monsieur Rogaton, dont l’organisation vise à développer le tourisme spatial en utilisant des moyens écologiques. Nous aimerions que vous deveniez la chaine officielle du tourisme local : vous avez vu de quoi nous sommes capables ! Quel lancement publicitaire, hein ? Quel punch marketing ! Une fusée qui tombe sur la plus belle plage de la Floride… alliant modernité et hédonisme balnéaire !! Cocoa Beach lance ainsi sa nouvelle saison avec un programme complet d’activités grand public qui vont faire un splash comparable à celui de cette réplique du second étage de la Cosmo-Z. Nous vous offrons l’exclusivité … vous n’avez qu’à contacter vos employés en onde actuellement et organiser le reportage de la décennie ! Une aubaine et en direct en prime.
Rhéostat, flairant la bonne affaire – la bonne affaire gratuite – téléphona immédiatement à ses techniciens. Trois minutes plus tard, il utilisait son téléphone cellulaire pour effectuer le premier d’une longue série de reportages sur la nouvelle dynamique à Cocoa Beach.
Krockmitend ne savait plus trop quoi penser.
— Mais quel lancement publicitaire ? Quel programme touristique ? Il n’y a rien de prévu dans le budget pour la promotion du tourisme !
— Aucun problème, répondit Falot. Je vais m’occuper de tout et ça ne vous coutera pas un sous ! Faites-moi confiance : j’ai l’habitude des situations incongrues. Laissez-moi les maigres profits que je pourrai faire en un mois et profitez des retombées. Et, pour commencer, quand arrivera la remorqueuse qui sortira vos camions à incendie de leurs trappes de sable, demandez à l’opérateur de hisser ce qui reste de la fusée sur le bord de la plage, juste à la limite de la rue. Monsieur Rogaton et Cosmo-Z vont me fournir le matériel et la main d’œuvre pour stabiliser le tout et en faire un espace viable. Des murs, des portes et fenêtres, des aménagements… et ça deviendra le bureau de renseignements touristiques municipal. On va le nommer le « Second Stage » ! Juste cette fusée, ça va attirer les touristes ! Et je m’occupe du calendrier d’activités… nous sommes d’accord ?

Des cris d’enfants s’élevèrent plus loin sur la plage.
Deux jeunes filles frappaient violemment un homme avec un bellyboard en pin des Landes. Des centaines de pigeons tournaient autour du trio alors que l’homme, couché sur une chaise longue peinait pour se relever. Quelques oiseaux gisaient sur la plage, pulvérisés par le choc du bellyboard.
Falot et ses nouveaux associés se précipitèrent.
— Leeloo, Nevena… arrêtez tout de suite ! Mais vous faites quoi, là ? Vous allez tuer ce pauvre homme !! Et regardez tous les pigeons écrasés…
— Mais les pigeons… ils étaient des milliers en train de manger le monsieur… il y en avait partout sur lui… ils le mangeaient comme dans le film que papa nous a fait écouter avant de venir aux États-Unis. Papa nous a dit que les oiseaux devenaient fous à cause des patates frites que les gens leur donnaient à bouffer. Ils mangeaient le monsieur, juré ! Comme dans le film…
Le blessé relevait à peine la tête que trois pigeons se posaient dessus. Leeloo lui asséna un bon coup de bellyboard qui, s’il écarta les pigeons, devait néanmoins occasionner au balnéaire un bon mal de crâne durant les prochains jours…
— Walter Pickleseed… c’est Walter Pickleseed que vous frappez ! Un ancien gouverneur de l’État de Floride devenu totalement marteau durant son mandat. Il vient ici trois fois par semaine et il se s’enterre sous des kilos de graines pour oiseaux avec le résultat que les pigeons en viennent à le recouvrir totalement et ce, pour des heures. Il a affirmé au chef de police que la fiente de pigeons était excellente pour son psoriasis…
BANG !
Encore un coup de bellyboard. Sur les tibias cette fois-ci.
Par le plus grand des hasards, deux ambulances arrivaient à ce moment sur le bord de plage, attirés tels des vautours par la présence des pompiers. Ils ne furent pas déçus : Pickleseed fut amené vers le véhicule le plus près, couché en chien de fusil sur le bellyboard qui avait servi à l’assommer.
Puis l’ambulance se dirigea vers l’hôpital municipal en faisant crisser ses pneus, poursuivi par des centaines de pigeons qui voyaient s’échapper leur dîner. Le propriétaire du restaurant chinois situé au centre-ville, flairant la bonne affaire, sorti un filet à papillon et tenta d’attraper quelques volatiles au passage pendant que sa conjointe modifiait l’ardoise affichant le menu du souper.

Deux heures plus tard, Falot avait repris sa place sur un des rares transats encore en état de supporter son poids. La municipalité n’attendait qu’un état de compte pour payer la facture… avec les frais et tout… on ne peut imaginer des vacances prenant un tournant plus rémunérateur. Et puis il y avait ce programme touristique à monter… quelques activités ludiques… mais rien de gratuit ou si peu…

La banderole « Dollard Terminal! » flottait au vent, annonçant à tous le désastre potentiel.


Retrouvez les aventures de Dollard Fallot, le héros créé par Jean Pierre Banville dans :

No Comments.

Leave a Reply