Préambule de la Tête dans les Étoiles de Thierry Clavel.
Si j’avais habité un petit village côtier de Bretagne, je serais sans doute devenu marin. Jouer avec le vent et partir à l’aventure vers le large auraient pu être une destinée. Il en a été autrement.
Né à Grenoble, y passant mon enfance et ma jeunesse hormis week-end et vacances scolaires, je souffrais le reste du temps d’être enfermé entre les quatre murs de notre appartement. Mais la fenêtre de ma chambre était une ouverture sur un ailleurs qui m’appelait déjà. Les sommets du Vercors tout d’abord, puis ceux de Belledonne, après notre déménagement, étaient devenus mes phares dans le lointain.
La ville n’a jamais été pour moi qu’un lieu d’étude, de travail mais en aucun cas de vie. Non, celle-ci débutait dès lors que je quittais les rues grouillantes et tumultueuses, comme lorsque, adolescent, je rejoignais le site de bloc de la Carrière, à Saint-Martin le Vinoux, pour y faire mes gammes et apprendre peu à peu les subtilités de l’escalade. Comme lorsque, chaque dimanche, avec Stéphane, Isa, Lionel et consorts, nous parcourions à ski puis sur d’autres terribles engins les domaines skiables de multiples stations iséroises ou savoyardes. Nous en conservions, pendant un ou deux jours, d’importantes courbatures, comme autant d’heureux souvenirs généreusement engendrés par la fougue de notre jeunesse.
Au fil des années, le champ des possibles s’est élargi, et je n’ai eu de cesse de découvrir l’étendue des activités offertes par ce magnifique environnement montagnard. Après l’escalade et le ski sont arrivés le monoski et le surf, la planche à voile, le kayak et le parapente, la spéléo et l’alpinisme, en passant par la cascade de glace ou le trial. Le VTT n’existait pas encore, mais nous l’avions inventé : un cadre de Solex auquel nous avions adjoint une fourche télescopique ! Cela nous permettait quelques folies à la descente mais calmait rapidement nos ardeurs à la montée…
Parmi toutes ces découvertes, certaines activités sont devenues de réelles et durables passions, telles le ski et l’escalade.
A l’heure où il m’apparaît opportun de réfléchir à ce que fut mon parcours, je replonge avec plaisir dans ces souvenirs dont certains sont à l’évidence fondateurs. Comme des jalons sur le chemin d’une vie.
Certains moments ont été des épreuves, d’autres visiblement des erreurs, dont les conséquences auraient pu être graves. D’autres encore de purs moments de bonheur, où le plaisir d’être en montagne confine à la magie.
Tous ont été formateurs. Ils ont fait ce que je suis aujourd’hui, et sont la matière avec laquelle je construis cette dernière aventure : celle de l’écriture.
Chacun des moments décrits dans ces pages m’a apporté. Pour l’un, un enseignement sur la pratique, pour d’autres, sur la montagne et ses conditions… Si de chaque instant j’ai pu retirer un élément d’apprentissage ou de satisfaction, tous m’ont également enseigné sur moi-même. La construction d’une expérience n’est rien sans l’apprentissage des émotions, des ressentis, et autres ficelles de l’âme humaine, cela permettant d’acquérir a priori une sagesse qui devrait pouvoir peu à peu nous éloigner des dangers frôlés si facilement dans notre jeunesse. Mais l’effet pervers lié à la maîtrise qu’apporte l’expérience repoussant quant à lui les limites…
Si j’ai eu du plaisir à vivre nombre des aventures relatées dans ce livre, j’en ai eu au moins autant à les ressusciter par la plume. Afin qu’elles ne restent pas qu’un seul élément de ma personne, afin qu’elles vivent aussi peut-être un peu en chacun d’entre vous. Certains ressentis sont universels, leur évocation pouvant alors résonner comme un écho.
Chaque chapitre est une aventure. Chacune de celles-ci m’a construit, me permettant d’éprouver un sentiment particulier. Chacune est pour moi un bijou, un instant précieux. Puissiez-vous en saisir vous aussi l’éclat.
J’ai choisi de ne pas modifier l’ordre d’écriture de ces textes, conservant ainsi la joyeuse anarchie qui prévalut à leur conception. Voici donc ce pêle-mêle d’instants choisis, petites tranches de vie brutes de décoffrage, servies par pack de trois.
A lire le chapitre 11 « Solo » et les autres récits dans
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